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Bâton percé gravé d'un glouton de La Madeleine

Bâton percé gravé d'un glouton de La Madeleine

L’abri de La Madeleine (Tursac, Dordogne), gisement éponyme du Magdalénien, est célèbre pour ses découvertes d’art mobilier et son rôle dans la reconnaissance de la Préhistoire : on peut citer la découverte, en 1864, d’un mammouth gravé sur ivoire de mammouth, preuve de la coexistence de l’Homme et du Mammouth et témoin irréfutable des capacités artistiques des chasseurs-cueilleurs paléolithiques, la sculpture du « bison se léchant le flanc » ou bien encore la sépulture d’un enfant orné de dizaines d’éléments de parure issus des fouilles de D. Peyrony (1910-1913, 1926).

Découvert par E. Lartet et H. Christy et fouillé dès 1863, cet abri a vu se succéder un très grand nombre de personnalités (P. Girod et E. Massénat, E. Rivière, D. Peyrony), le dernier étant J.-M. Bouvier (1968-1977). C’est au cours des fouilles Bouvier que fut découvert le bâton percé gravé d’un glouton.

Le bâton est réalisé dans la perche droite d’un bois de chute de jeune renne, d’après son module réduit (diamètre compris entre 16 et 26 mm). Préparé par un raclage intense, le bâton comporte deux perforations, la première s’étant probablement cassée lors d’une utilisation qui, pour ces objets, reste énigmatique. La seconde perforation, moins large, a probablement été réalisée après la fracturation de la première et la figuration du glouton, car elle oblitère la queue.

L’animal, tourné vers la gauche, est assez détaillé : l’œil, l’oreille, le naseau orné de vibrisses tendues vers l’avant sont indiqués. Le pelage est figuré par de nombreuses hachures sur tout le corps mais aussi les contours du cou, des membres et de la longue queue. Les pattes avant sont équipées de griffes. La morphologie de la tête, la largeur du museau, la queue épaisse et velue ainsi que les pattes robustes et courtes évoquent le plus gros (15-25 kg) des mustélidés, le glouton (Gulo gulo). Cet habitant de la toundra et de la taïga d’Eurasie et d’Amérique du Nord est attesté en France au Pléistocène supérieur, où il a rarement été exploité et, plus rarement encore, représenté (moins de 10 connus). Ses larges pattes lui facilitent ses déplacements sur la neige molle et lui permettent d’être un redoutable chasseur. Charognard de carcasses, il peut aussi s’attaquer à des proies d’une taille allant jusqu’au Renne, au Cerf, voire à l’Élan.

Catherine CRETIN, conservatrice du Patrimoine
Les Eyzies, Musée national de Préhistoire
(MNP 1996-9-13)